Comprendre la télévision numérique

Il était une fois une régie municipale de télédistribution qui distribuait à l’époque, une vingtaine de chaines analogiques. Souvenez-vous, de Canal J qui diffusait des dessins animés (ce n’était pas du live, il s’agissait de cassettes vidéo de 8h de programme, à remplacer… toutes les 8h), ou encore le TF1 du mercredi après-midi où la TV du salon était squattée pour regarder le sacro-saint Club Dorothée.

Ce fabuleux plan séquence des studios AB, souvenirs !

Aujourd’hui, comment faisons-nous 20 ans après, pour diffuser plus de 150 chaines avec de la Haute Définition et en 4K UHD, avec exactement le même réseau ? Posons-nous quelques minutes pour comprendre un tel progrès et lever le voile du 8e art (oui, la télévision est un art).

NB : cet article est vulgarisé au maximum afin qu’il soit compréhensible par tous : il est donc normal que des raccourcis soient pris, des omissions ou des analogies sont faites, etc.

La différence entre l’analogique et le numérique

Tout d’abord un signal analogique est un signal simple, que tout le monde comprend : même vous !

Par exemple, une radio FM est diffusée sur la fréquence 107.7 MHz et occupe 50 kHz “d’espace”. Ca tombe bien, 50 kHz c’est la plage que nous, humains, pouvons entendre avec nos oreilles des graves jusqu’aux aigues. Ainsi un tuner abaisse “bêtement” la fréquence de 107.7 MHz à une fréquence de départ de qq hertz, audible pour l’Homme.

Mais ce signal présente 2 défauts majeurs :

1) vous ne serez jamais sûr que le signal soit “juste”. En fait, à chaque étape de son traitement et de son voyage, le signal se dégrade fatalement. Il est impensable d’avoir un signal qui se dégrade de Paris à nous, de nous à vous, etc sans avoir une bouillie à la fin.

2) ce signal est très lourd, il occupe une place folle dans l’espace (fréquentiel). Pour revenir sur la télévision, chaque image doit être envoyée complètement dans son intégralité (il y a 25 images dans une seule seconde, donc ça défile vite !). Diffuser du “noir” occupe la même place qu’une image très chargée, avec des explosions, des images qui envoient d’la buchette ! Un peu dommage donc.

Le numérique apporte avant tout de l’intelligence, notamment grâce à la compression. Au lieu de rebalancer le signal bêtement, des encodeurs vont passer leur vie à regarder une chaîne et à nous dire ce qu’ils voient.

Quelle différence ? Si je vous demande de regarder dehors, une plante ou un arbre, puis de fermer les yeux. Etes-vous capable de donner le nombre et la forme des nuages ? Ou le nombre de feuilles ? Il y a donc des détails superflus que l’on peut enlever du signal original sans dénaturer l’image. Pas de besoin de décrire la couleur pixel par pixel, surtout si c’est un dessin animé.

Ce n’est pas nécessaire de monopoliser une fréquence pour les grimaces de Simba 🙂

Une même image prend ainsi une place nettement plus réduite ! C’est notamment pour cette raison qu’une image trop compressée, vous voyez des espèces de blocs, c’est-à-dire des morceaux, des briques de couleurs uniformes, des images qui “bavent”. A chaque opérateur ou diffuseur de placer le bon curseur pour distinguer toutes les nuances (le flux prendra plus de place) ou s’en tenir à de simples images (comme les dessins animés, les images peuvent être très légères).

“Coldplay & BTS – My Universe” : tellement d’effets speciaux que l’image bave, les étincelles ne sont pas nettes.

Ensuite, vu qu’il y a 25 images par seconde dans une vidéo, il y a encore moyen d’économiser beaucoup de place. Il y a souvent des scènes fixes, des scènes où le décor ne bouge pas. Là aussi, est-ce vraiment nécessaire de renvoyer 25 fois le même décor ? Vous devinez la réponse… Là aussi, les équipements comparent les images et ne vous retransmettent que les différences. En fait, la télévision telle que vous la voyez aujourd’hui, les images ne sont même pas complètes ! Vous regardez quasiment toujours que du vide ! La TV reconstruit toutes les images à partir d’une image complète puis la recompose uniquement avec les différences.

Mais voilà ce que voit en réalité votre TV : quasiment que du vide !

C’est ainsi qu’une chaine analogique équivaut à une dizaine de chaines en numérique, sur la même fréquence, avec la même place.

Prenons un instant… d’une seule chaine… à 10 ! Le gain est phénoménal ! Et pourtant les images sont de meilleure qualité qu’en analogique.

Voilà que vient le début de la TNT (Télévision Numérique Terrestre), avec un défi de taille : diffuser tout ça !

L’arrivée des multiplexes

Ainsi, vient la notion de multiplex. Il s’agit simplement d’un ensemble de chaines au sein d’une même fréquence (ou d’un même canal, c’est pareil). Sauf que… vous imaginez votre pauvre TV qui écoute sa fréquence… et qui se prend 5 chaines mélangées dans la figure ? Comment s’y retrouver ? On les affiche toutes et advienne que pourra ? Car oui, le signal analogique avait cette facilité et simplicité : il suffit d’écouter LA fréquence pour en afficher LA chaine. Basta.

Voilà pourquoi il faut que tout le monde parle la même langue : le DVB (Digital Video Broadcast), le successeur du fameux PAL/SECAM. C’est une norme adoptée en Europe notamment, pour que tous les équipements parlent dans une même langue que tout le monde puisse comprendre : votre TV, décodeur, l’encodeur et multiplexeur etc. Au lieu d’avoir un signal analogique qui bouge en fonction de la voix, de l’image, on a un signal numérique, avec des oscillations bien carrées, bien droites pour dire soit 0 soit 1.

Les câbles avec chacun une fréquence avec un signal TV numérique dedans, qu’on assemble sur 3 pavés
Les 3 pavés qu’on assemble dans le “OUT DEPART TV” avec toute notre TV
(ne jamais débrancher, merci ! :-D)

Pour que votre TV puisse s’y retrouver dans ce joyeux mélange, imaginez que je vous envoie plusieurs milliers de petits paquets de données à la seconde mais avec des pastilles de couleur sur chacun. Si vous souhaitez regarder France 3 (pastille bleue), votre TV reçoit toutes les chaines de la fréquence et décide de n’afficher que les données qui avaient une gommette “bleue” pour différencier France 3. Le reste… est jeté : la TV ne s’en servira pas.

La fréquence 474 MHz : 4 chaines France Télévisions que vous vous prenez dans la figure
Sur la 642 MHz pareil, une floppée de chaines musicales : à votre TV de faire le tri.

C’est ainsi qu’on arrive à augmenter très fortement le nombre de chaines : on “bourre” nos fréquences.

Mais cela va encore bien plus loin : si un paquet vous arrive abimé ou fracturé, des systèmes de correction corrigent les anomalies (dans la mesure du possible) pour reconstituer le signal d’origine (oui oui, même avec un signal pété, votre TV s’occupe des corrections et sont très souvent invisibles).

Dans votre corps il se passe la même chose : vous avez des “sentinelles” (cf “Il était une fois la vie”), des anticorps/globules blancs qui s’assurent que vous restez en bonne santé.

Une idée de ce qu’il se passe dans votre câble coaxial : ça court !

L’évolution de l’audiovisuel

Quelles évolutions aurons-nous à gérer ?

Forcément, la plus évidente est la 4K UHD. En visitant ARTE à Strasbourg, j’ai compris à quel point cette évolution est compliquée car c’est toute une… chaine au sens premier du terme ! De l’achat des contenus/reportages, jusqu’à la régie finale : tout doit être changé en même temps, pendant que la chaine doit continuer à diffuser. Ce sont des rangées d’armoires informatiques à changer, un boulot monstrueux. Idem pour les flux de contribution : les chaines s’échangent des images en direct en continu (genre le Parlement Européen, filmé en continu), pour les “breaking news”/priorité au direct : une chaine ne peut pas faire cavalier seul. Ca viendra doucement, mais surement. Voilà pourquoi la 4K UHD est davantage démocratisée pour l’événementiel : le foot, le Roland Garros, car c’est plus facile à produire, qu’une chaine 24/7.

Ensuite, le son. Une petite révolution se trame, c’est le Dolby AC4. Grosso-modo, tout son va devenir un “objet”. Typiquement, vous serez capable de taire ou au contraire d’amplifier certains objets, comme des commentaires, des effets spéciaux, le public, les dialogues, etc. Comme à Roland Garros, vous êtes capables de taire les commentateurs pour n’avoir que l’ambiance du court de tennis. Si vous êtes un fan de films d’action, avec de bonnes explosions qui pètent bien jusqu’à faire trembler les murs, ça va vous plaire.

Et puis, un usage de plus en plus prisé : le replay, la vidéo à la demande, c’est-à-dire pouvoir regarder un programme quand on veut. Cela nécessitait auparavant une intelligence que seules les boxs des opérateurs pouvaient proposer. Désormais les TV et l’écosystème autour de la norme DVB sont assez matures pour proposer du replay dans la chaine elle-même. Bon… je sens que je vous ai perdu. ARTE est précurseur dans ce domaine en proposant la chaine “77” : en reliant votre TV à Internet, vous êtes capables de voir/revoir des reportages à volonté. Et ceci sans décodeur/box TV qui tirent quelques dizaines de watts. C’est d’ailleurs le parti pris d’Orne THD : se passer de décodeur. Votre TV est suffisamment intelligente pour proposer ces services (par ex, rajoutez une clé USB ou un disque dur, et pouf vous pouvez enregistrer, ou installez les MyTF1/6play directement et hop, de l’électricité d’économisé). Et justement, on travaille avec certaines chaines pour proposer ça encore plus facilement.

OrneTHD travaille avec l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) pour améliorer son service TV
(les mêmes qui forment les techniciens TDF !)

Enfin, le réseau peut supporter nettement plus, on va lui faire cracher ses tripes, il va transpirer ! Depuis un an, Orne THD se raccorde aux chaines pour prendre le signal au plus proche et certaines chaines sont déjà diffusées là maintenant avec un débit nettement plus élevé que la version satellite. Je vous le dis le coeur grand ouvert, mais Clara Luciani sur la 135 n’a jamais été aussi belle que chez nous. Voilà.

Et ça va être pareil sur certains événements comme l’Eurovision ou avec ARTE, où le challenge va être de vous diffuser le signal original (je l’ai vu, les larmes me sont montées tellement c’est une claque visuelle et j’ai envie que vous l’ayez aussi). Le plus bel ARTE de toute la France, au sein d’une petite régie municipale. Voilàààà, c’est ça mes rêves.

On ne se rend pas forcément compte de toute la machinerie, de tout le travail abattu derrière ces belles images !

Et c’est justement grâce à toute l’équipe d’OrneTHD qui rend tout cela possible pour vous apporter le meilleur du service public.

En savoir plus

Je peux vous recommander quelques ressources :

  1. Les vidéos de Ludovic B qui vous racontent la genèse des chaines TV de la TNT.

2. Une vidéo approfondie (et plus complexe/complète) sur les ondes/fréquences par Deus Ex Silicium (dans les airs, nous c’est pareil sauf que c’est enfermé dans un câble)

De manière générale, les formations INA si vous avez envie de filmer, produire, monter, diffuser du contenu audiovisuel. L’audiovisuel est un ensemble de métiers rempli de gens très passionnés par l’image, le son, le “broadcast”, etc. Comme je l’ai dit en introduction, l’audiovisuel est un art. Un art ne demande qu’à être sublimé.

Je vous remercie de m’avoir lu, et j’espère avoir été le plus clair possible. Au plaisir de vous voir&revoir aux prochaines portes ouvertes ! 🙂

Cédric.